J'avais décidé d'aller chasser.
Certains animorphes prennent cela au pied de la lettre et laisse leur nature animal prendre le dessus au point qu'il est possible de les voir chasser de sproies pour se nourrir. J'avais déjà vu certains des miens le faire, mais je n'avais personnellement jamais pu m'y résoudre, quoi que la tention fut forte; mais mon humanité prenait le dessus. Ce n'était pas que j'avais honte de moi, c'était simplement par habitude. Je ne mange jamais de viande rouge ou saignante, aussi je me voyais mal dévorer un rougeur ou une marmotte, ou un petit renard. Et puis, je n'en vois pas l'utilité. Comme tout bon citoyen du monde moderne, je consommais de la viande déjà découpée et morte. Je ne tuais pas moi-même.
Je ne suis pas extrêmiste au point d'être végétarienne ou pire végétalienne, mais j'aimais ma viande déjà transformée, cuisinée, assaisonnée. Manger quelque chose de crue (autre que des légumes ou des fruits) me rebutait. Ne me proposez pas de sushis par exemple, ça sera inutile. Enfin bref, toujours est-il que j'étais en chasse, donc à la recherche d'un vampire.
Je ne tue les vampires que quand je les vois prêts à agresser quelqu'un ou en train de le faire (mais je préfère quand même arriver avant). Non pas que je crois qu'il existe de "bons vampires" et de "mauvais vampires", simplement j'estime que mon devoir est d'empêcher les attaques, pas de tuer pour le plaisir.
Parce qu'il faut reconnaître que, s'il ne s'agit pas véritablement d'un plaisir, tuer un vampire me procure toujours une immense satisfaction. L'impression d'avoir fait quelque chose de bien, mon devoir en somme.
Je ne mis pas longtemps à trouver ce que je cherchais. En cette période de l'année, il y avait beaucoup de skieurs inconscients qui, évitant les pistes ou les sentiers, se retrouvaient isolés dans la montagne, à la merci de tout ce qui peut s'y trouver. Nous avons des loups, nous avons des ours dans le secteur, mais je ne les avais jamais vu agresser qui que ce soit. Les vampires par contre... Celui que j'aperçus avait pris une famille pour cible. J'avais une fois entendu un de ces monstres dire que le sang des enfants a un goût exquis. Cela me dégoûtait...
Un père et deux filles qui s'adonnaient à la randonnée en raquette. Leur voiture n'était pas très loin, il fallait que je les fasse fuir avant tout. M'approchant qu dessus d'eux je me mis à battre des ailes au dessus des arbres, provoquant des rafales de vent et de neige poudreuse. Il ne me fallut que quelques minutes en me déplaçant au dessus d'eux pour convaincre le père qu'il commençait vraiment à neiger. Il fit demi-tour et, pour le plus grand désarroi du vampire, se dirigea vers sa voiture. Etant donné l'âge de ses enfants, il ne prendrait pas le risque de poursuivre sa marche dans ces conditions, quoi qu'ait pu dire la météo avant son départ.
Sitôt que je fus rassurée de leur sort, je recherchais la créature et me mis à lui tourner autour. Quelques instants me convainquirent qu'il n'avait pas abandonné son idée d'attaque. Tant mieux pour moi. Sans plus attendre, je piquais droit sui lui et lançais mon attaque. Tout était paramétré, cela serait facile... Du moins c'est ce que je crus...

En général, la chasse est rapide, fulgurante même. En un assaut je blesse gravement, au second j'achève. Je ne prends aucun plaisir à faire souffrir, même un vampire. En réalité, il n'y a que l'idée de faire disparaître une menace qui me satisfait.
Souvent, ma conscience tente de me tirailler. Elle esaaye de me murmurer que les vampires sont tout de mêmes des créatures vivantes, qu'elles ont été humaines en plus. Après tout, je n'en veux pas au lion de chasser l'antilope, ni à l'orque de manger des poissons, et ainsi de suite. Il s'agit de survivre... Certes, les vampires sont souvent cruels et font plus que survivre. Ils s'adonnent à des jeux sadiques et torturent leurs victimes avant de les tuer. Mais là encore, on pourrait me rétorquer que les chats font exactement la même chose, et que je ne les tue pas pour autant, même si je le pourrais.
Mais ce n'est pas pareil !
Ce qu'il ne faut surtout pas pendant une chasse, c'est se laisser distraire. Là, en l'occurence, j'étais plutôt mal partie aussi je me forçais à ne plus rien penser. Faisant le vide, j'atteignis le vampire à l'épaule droite et il ne me vit pas venir. De mes serres acérées, je lui lacérais la chaire, très profondément, mais il m'étais impossible d'atteindre son coeur depuis le dessus. Trop d'os, trop de muscles, trop de chaire. Mais si je m'y prenais bien, j'avais le temps de remonter un peu pour reprendre de l'élan et de fondre à nouveau sur ma proie pour l'achever.
Tout aurait été parfaitement exécuté si un autre vampire n'était pas apparu dans mon champs de vision au moment crucial. Ne pouvant prendre le risque d'achever le premier, je me détournais avec la ferme intention de jauger la situation de haut. J'avais perdu l'avantage de la surprise et ils étaient deux, ou plutôt un et demi. EN tous les cas, c'était risqué, très risqué. Trop risqué ?
Le temps de réfléchir, je mis plus de temps à remonter à l'abri. L'autre vampire était à bonne distance. Ce que je n'avais pas prévu, c'était que le premier se reprendrait aussi vite. En une seconde, je sentis une main sur mon aile et l'instant d'après un craquement horrible se fit entendre, suivit d'une déferlante de douleur.
Voler avec une aile est impossible. Mais je dus me forcer, parce que sinon c'était la mort assurée. Criant ma douleur, je tentais de reprendre un peu d'altitude et ne parvint qu'à atteindre une branche et à m'y effondrer lamentablement. Là, j'étais dans le pétrin, et j'étais presque certaine que cette maudite épaule était démise...